Nous rejetons fermement le programme d'allègement budgétaire du Conseil fédéral, à l'exception de quelques points. En contrepartie, nous proposons des recettes supplémentaires pour la Confédération, qui serviront à la protection du climat et à au tournant nécessaire dans la politique des transports.
En Suisse, le trafic automobile privé est responsable d'environ 20 milliards de francs de coûts externes par an! Il est responsable de la moitié des effets néfastes sur le climat, dont 27% sont causés par le trafic aérien et 23% par les autres moyens de transports. En disant non à l'extension des autoroutes le 24 novembre dernier, la population s'est clairement prononcée en faveur d'un système de transport compatible avec les défis de la crise climatique. Les transports publics et plus généralement la mobilité durable doivent absolument être priorisés et renforcés.
La politique financière doit impérativement soutenir l'objectif climatique «net zéro 2050» décidé par la population en juin 2023. Or, le «programme d'allègement budgétaire» mis en consultation par le Conseil fédéral aura exactement l'effet inverse. En raison de coupes disproportionnées dans les secteurs du climat, de l'environnement et de la biodiversité, la mise en œuvre de la politique climatique adoptée devient irréalisable. Nous rejetons cette politique d'austérité irresponsable et contraire aux décisions prises par la population lors de votes populaires.
En 2024, la Confédération a réalisé un excédent de 1,3 milliard de francs. Nous remettons donc fondamentalement en question la nécessité d'un programme d’économies. Dans la mesure où des mesures visant à améliorer le budget de la Confédération devraient malgré tout être mises en œuvre, celles-ci doivent soutenir les objectifs de la politique climatique et des transports. Nous nous opposons donc en particulier aux coupes dans le domaine des transports publics et demandons plutôt des recettes supplémentaires par une taxation plus forte du trafic aérien et routier. Par ailleurs, nous nous joignons à la prise de position de l'Alliance Climatique: si le Conseil fédéral maintient sa politique d'austérité au détriment de la population et du climat, un référendum est quasiment assuré.
Pas de coupes budgétaires au détriment des transports publics
La suppression de la contribution de soutien en faveur du transport ferroviaire international de voyageurs est inacceptable. Les tergiversations incessantes et l'attitude de blocage du Conseil fédéral doivent prendre fin. Sans le soutien de l'État, les lignes directes et notamment les lignes de trains de nuit vers des destinations européennes importantes, attendues depuis longtemps, ne pourront pas être mises en place. Il est maintenant décisif d'établir une sécurité de planification pour que les CFF puissent prendre le risque d'investir dans du matériel roulant afin de mettre en place des lignes ferroviaires nocturnes, notamment à destination du sud de l'Europe. Celles-ci sont nécessaires pour réaliser le transfert du trafic aérien vers le trafic ferroviaire. 82% des passager·ères en avion au départ de la Suisse se rendent en Europe. Le potentiel de report modal est donc énorme.
Nous nous opposons également fermement à l'augmentation prévue du taux de couverture des coûts du transport régional de voyageurs: cela signifie que les bus et trains régionaux qui ne sont pas suffisamment rentables devraient être supprimés ou davantage financés localement. En clair : plusieurs régions périphériques risquent de n’être plus desservies en transports publics.
Or, depuis 1990, les tarifs des transports publics ont augmenté quatre fois plus que le trafic automobile. Alors que le trafic automobile, si l’on tient compte de l'inflation, est même devenu moins cher, le prix des billets pour les transports publics a doublé. Une augmentation du taux de couverture des coûts dans les transports publics régionaux ferait encore grimper les tarifs et, en même temps, risquerait de mettre en péril d'autres lignes. Les transports publics doivent être développés et en tout cas pas réduits. Il est difficile de comprendre comment le Conseil fédéral peut avoir l'idée qu'une telle mesure, qui se ferait au détriment de la population et des transports publics, est susceptible de réunir une majorité au sein de la population.
La réduction prévue des investissements au fonds d'infrastructure ferroviaire constitue une menace pour la sécurité, la ponctualité et la fiabilité du trafic ferroviaire et donc pour l'une des plus grandes réussites de la Suisse. Les graves conséquences des mesures d'économie dans l'infrastructure peuvent être ressenties de manière tangible dans les pays limitrophes. De plus, le 24 novembre 2024, la population a clairement indiqué qu'elle souhaitait davantage d’investissements en faveur des transports publics et certainement pas moins. Nous sommes toutefois d'accord pour que, lors d'investissements, les conséquences sur les charges d'exploitation et d'entretien supplémentaires soient prises en compte et que les aménagements ciblés pour l'extension de l'offre, comme l'augmentation de la cadence dans les régions rurales et les agglomérations, soient prioritaires par rapport aux projets d'extension coûteux et nécessitant beaucoup de ressources.
Éléments utiles du «programme d'allègement budgétaire»
Nous soutenons la suppression des subventions aux aéroports régionaux. Dans les faits, celles-ci ne servent pas à assurer la sécurité du transport aérien, mais à subventionner les jets privés et l’aviation d’affaires. Par passager, les jets privés et d'affaires produisent jusqu'à 30 fois plus d'émissions que les vols de ligne en classe économique. Or, la Suisse est le troisième pays au monde à avoir le plus grand nombre de jets privés par rapport à sa population. Cette aviation de luxe, extrêmement nocive pour la population et le climat, ne doit pas être subventionnée davantage - au contraire, elle devrait au minimum être taxée de manière efficace, au mieux être totalement interdite.
Sur le principe, nous saluons la réduction des contributions au fonds pour les routes nationales et le trafic d'agglomération (FORTA). Cela ne sert toutefois pas à grand chose si les économies sont directement redirigées vers le financement spécial pour la circulation routière (FSCR). C'est pourquoi nous soutenons la modification de la loi et de la Constitution proposée par l'Alliance Climatique, afin que les coupes dans le FORTA profitent au budget fédéral et puissent être utilisées par exemple pour couvrir les coûts externes sur la santé causés par le trafic routier. Le refus par le peuple, le 24 novembre 2024, de l'extension massive des autoroutes, qui aurait coûté plus de 5 milliards, doit entraîner une réforme du FORTA. Au lieu de continuer à élargir les autoroutes, les fonds doivent être utilisés pour l'entretien des routes et le financement de moyens de transport durables et respectueux du climat dans les agglomérations.
Nous approuvons également la réduction des contributions à Suisse Tourisme. L'accent mis sur les mesures de promotion touristique en Europe et en particulier dans les régions situées à une distance atteignable en train, rend possible une réduction des dépenses, tout en étant bénéfique pour la politique climatique.
Autres mesures en faveur du budget fédéral et du climat
Nous soutenons les efforts de la Confédération qui favorisent aussi bien le budget fédéral que la protection du climat et de la nature. Cependant, contrairement aux objectifs clairement définis dans la Constitution et la loi, ceux-ci sont largement absents du « programme d'allègement budgétaire » proposé. Nous attendons du Conseil fédéral qu'il supprime de manière ciblée les subventions nuisibles à la biodiversité – représentant un potentiel d'économie d'environ 40 milliards de francs par an – dépassant ainsi de loin l'allègement espéré - dans le cadre du projet mis en consultation (2,7 à 3,6 milliards de francs).
L'exonération de l'impôt sur les huiles minérales pour le trafic aérien est absolument incompréhensible du point de vue de la politique climatique et financière et il faut impérativement la supprimer. Cette exonération fiscale subventionne le trafic aérien et le favorise par rapport à d'autres moyens de transport plus respectueux du climat. La suppression de l'exonération fiscale permettrait à la Confédération d'obtenir des recettes supplémentaires d'environ 1 milliard de francs, qui peuvent être utilisées pour la promotion de la mobilité durable et la prise en charge des coûts externes du trafic aérien. En outre, la seule mise sur un pied d'égalité avec d'autres moyens de transport entraînerait un report significatif du trafic aérien vers d’autres modes moins nuisibles au climat, ce qui permettrait d'économiser environ 1 million de tonnes d'émissions de gaz à effet de serre par an. En alternative ou en complément de la suppression de l'exonération de l'impôt sur les huiles minérales, une taxe sur les billets d'avion contribuerait à rendre la concurrence avec le trafic ferroviaire international plus équitable et rendre plus attractif le passage à d’autres modes de transport.
Enfin, dans le cadre d'un programme d'allègement budgétaire responsable, l'introduction d'une taxe CO2 sur les carburants devrait être discutée. Les émissions de gaz à effet de serre dues au trafic n'ont guère diminué depuis 1990. De plus, les coûts du trafic automobile pour les utilisateurs et utilisatrices ont baissé en tenant compte de l'inflation. Comme les personnes peu fortunées se déplacent nettement moins souvent en voiture que celles qui gagnent beaucoup, elles profiteraient nettement plus d'un remboursement (partiel) à la population qu'elles ne devraient payer en raison d'une augmentation du prix de l'essence. Cela est particulièrement vrai si les recettes restantes permettent en outre de soutenir le passage à d'autres moyens de transport et de réduire le prix des transports publics.