Dites à Albert Rösti que lorsqu’on agrandit les routes, on récolte davantage de trafic et il vous répondra: «C’est faux!». Pourtant, cette réalité a été attestée scientifiquement à d’innombrables reprises. Rappel.
C’est un phénomène tellement banal que les spécialistes l’appellent « loi fondamentale de la congestion routière ». Toutes les études et observations le confirment : élargir les routes crée un « trafic induit » qui n'aurait pas circulé sans l’augmentation de capacité.
Cercle vicieux de la dépendance automobile
Ce concept a été mesuré et confirmé depuis des décennies. L’augmentation de l’offre autoroutière fait baisser le temps de trajet, ce qui réduit les « coûts » de déplacement… qui conduit à une hausse de la demande. Le trafic ne se comporte pas comme de l’eau, mais plutôt comme un gaz qui se dilate jusqu’à occuper toute la capacité du tuyau !
Les automobilistes s’adaptent : si l’autoroute est plus attractive, les gens délaissent les transports publics ou vont au restaurant à plusieurs kilomètres au lieu d’aller dans leur quartier. Parfois ils déménagent ou acceptent un emploi situé plus loin mais devenu plus « accessible » grâce à l’autoroute. Le territoire se transforme aussi : certains services de proximité disparaissent… et la dépendance automobile se renforce, verrouillant ainsi l’augmentation de trafic. Un cercle vicieux.
Retour des bouchons en 6 à 10 ans maximum
Les exemples sont innombrables : l’élargissement de l’autoroute 101 vers San Francisco qui a aggravé les bouchons ; la voie supplémentaire sur l'autoroute I-405 à Los Angeles qui a ralenti le trafic et allongé le temps de trajet, etc.
Augmenter de 10 % de la capacité d'une autoroute entraîne un trafic induit de 6 à 10 % après 5 à 10 ans. Le phénomène est d’autant plus que fort que la route est embouteillée à l’origine et qu’elle est dans une agglomération, ce qui est le cas de tous les projets que nous contestons. Les bouchons seront revenus sur les autoroutes élargies en moins de temps qu’il n’aura fallu pour réaliser les chantiers !
Pourquoi s’obstiner à appliquer un « remède » qui ne fonctionne pas ? À cause des intérêts des lobbies de la construction ? Probablement. Admettre qu’il faut arrêter de construire des routes impliquerait de rompre avec la logique de croissance qui sous-tend notre système. Reconnaître que l’automobile n’est pas un moyen de déplacement de masse efficace, c’est briser le « rêve automobile ». Un rêve qui a pourtant tourné au cauchemar… et dont il faut se réveiller !