Alors que les compagnies aériennes s'envolent vers une nouvelle année record, les dommages causés par le trafic aérien se chiffrent à près de 3,9 milliards de francs par an. Le bruit, la pollution de l'air et les dégâts climatiques sont payés par la collectivité, tandis que l'industrie aérienne empoche des milliards de bénéfices.
Chaque enfant apprend depuis tout petit qu’il doit ramasser lui-même ses déchets. Mais dans notre vie quotidienne, ce principe n’est pas appliqué. Le bruit, la pollution de l’air ou les dégâts climatiques ne sont que très rarement payés par celles et ceux qui les causent. Ce problème est également connu sous le terme de « coûts externes ». L’industrie aérienne, en n’assumant pas sa responsabilité dans la crise climatique, est indirectement massivement subventionnée.
Augmentation massive des coûts externes
L’Office fédéral du développement territorial (ARE) calcule régulièrement les coûts et bénéfices externes des transports. L’an dernier, les méthodes ont été adaptées à l’état le plus récent de la science. Il en est ressorti que les coûts avaient été massivement sous-estimés par le passé. Résultat : ils ont pratiquement doublé. Le total pour tous les moyens de transport est passé de 12 milliards de francs en 2020 à 26 milliards en 2021 et 30 milliards en 2022. Le trafic automobile reste en tête avec près de 20 milliards de francs de coûts annuels. Si les automobilistes devaient payer les coûts réels, l’essence coûterait environ trois francs de plus par litre. Cela aurait de nombreuses conséquences sur la demande.
Prendre l’avion renchérit l’assurance maladie
Mais le trafic aérien n’est pas en reste avec près de 3,9 milliards de francs de coûts externes. Le trafic aérien nuit massivement à la collectivité : par exemple, pour les riverains des aéroports, le bruit des avions entraîne – à l’instar du trafic routier – des problèmes de santé, comme des troubles cardio-vasculaires, du diabète ou des maladies psychiques. Cela a des conséquences sur les coûts pour notre système de santé, qui conduit à une augmentation de nos primes d’assurance maladie. Dans l’idéal, et conformément à notre Constitution, ces coûts devraient être payés par ceux et celles qui les occasionnent, c’est-à-dire par l’industrie de l’aviation. Mais jusqu’à présent, le soi-disant principe du « pollueur- payeur » n’est appliqué que de manière isolée et totalement insuffisante.
La crise climatique risque de coûter encore plus cher
Les coûts liés au réchauffement climatique sont particulièrement importants : cela comprend en autres des coûts liés aux mauvaises récoltes, aux inondations ou aux incendies de forêt. La détermination de tels coûts repose sur de nombreuses hypothèses ; ils doivent donc être considérés avec prudence. En général, on peut partir du principe que ces coûts sont fixés de manière plutôt conservatrice. En d’autres termes, il est fort probable que les coûts réels soient encore bien plus importants que ceux calculés par la Confédération. A cela s’ajoute le fait que seul ce qui peut être exprimé en francs est pris en compte. Si l’on reste par exemple plus souvent à la maison en raison de la chaleur estivale croissante, cela a, certes, un impact économique, mais qui est difficilement chiffrable. En conséquence, les effets négatifs du trafic automobile et aérien ont tendance à être sous-estimés.
Les plus précaires sont les plus touchés
L’Office fédéral du développement territorial (ARE) a fixé le coût des dommages climatiques à CHF 456.– par tonne de CO2 pour l’année 2024. Il s’agit là aussi d’une estimation plutôt basse, comme le reconnaît ouvertement l’ARE. Compte tenu de la fréquence croissante des phénomènes météorologiques extrêmes ou de la destruction de villages de montagne comme Blatten, nous risquons de devoir faire face à des coûts encore bien plus élevés dans les années à venir. Des coûts qui devront être supportés par les person- nes concernées ou par l’ensemble de la société, mais qui ne sont pourtant causés que par une partie de la société, de par son comportement polluant. D’une manière générale, les personnes aux revenus plus élevés ont des bilans carbone plus importants, en particulier en raison de leur usage de la voiture et l’avion. Les personnes ayant des revenus plus faibles sont en revanche touchées de manière disproportionnée par les effets négatifs, car elles vivent plus souvent à proximité de routes très fréquentées ou sont exposées au bruit des avions. Les plus précaires paient donc pour le luxe des plus riches, ce qui est extrêmement problématique.
Une taxe sur les billets d’avion s’impose
Une mesure possible pour résoudre ce problème consiste à instaurer des taxes incitatives. Dans le domaine du transport aérien, une taxe sur les billets d’avion s’impose. Une partie des recettes pourrait être utilisée pour favoriser les alternatives à l’avion, à savoir le transport ferroviaire international, comme les trains de nuit. Le reste pourrait être distribué équitablement à la popu- lation. La plupart des personnes seraient gagnantes et recevraient davantage d’argent. Les grands voyageurs, eux, en revanche, payeraient plus cher. Les grands voyageurs, en revanche, paient plus cher. Cela permettrait de faire payer les personnes qui prennent l’avion pour les dommages climatiques causés. L’investissement dans l’offre ferroviaire inciterait les personnes à prendre davantage le train et donc à réduire le nombre de vols en avion. Cet instrument garantirait que Swiss et consorts devraient consacrer au moins une partie de leurs bénéfices à assumer leur impact si négatif sur le climat.
